Condition animale : militer par l’image

Un article paru dans ViraGe n°16 – octobre 2023

Photo : Louise Jorgensen / We Animals Media.

Les images d’animaux foisonnent, dont l’immense majorité rend compte de la culture spéciste de nos sociétés. Des professionnels engagés s’attachent cependant à éclairer les angles morts de la vie des animaux à travers le monde. Parmi eux, le photographe Thomas Saïdi, militant animaliste, collabore entre autres avec We Animals Media pour brosser un tableau plus réaliste de la condition animale.

Fondée au Canada par la photoreporter Jo-Anne McArthur, et encore peu connue en France, cette ONG rassemble des journalistes des cinq continents, confirmés ou en devenir. We Animals Media fonctionne comme une agence de presse, mais met aussi à disposition des universités et des associations les treize mille documents de sa plateforme : des travées des élevages aux grands incendies, des opérations de sauvetage à la maltraitance ordinaire, We Animals Media s’est donné pour mission de « donner de la visibilité aux animaux cachés » (« bringing visibility to hidden animals through compelling photojournalism »). Sa grande force est d’organiser la diffusion des travaux de ses membres et de contribuer, financièrement et techniquement, à la réalisation de projets documentaires. La diversité des origines et des terrains d’action des reporters rend compte des problématiques de la condition animale et des disparités de traitement selon les régions. Pour Thomas Saïdi, « We Animals Media permet un mode de diffusion complémentaire. La série sur le foie gras que je commencerai cet automne, par exemple, peut toucher un public plus large à l’étranger et contribuer à faire pression, ici, sur les producteurs exportateurs ».

Grand angle

Instrument militant, l’image façonne aussi nos représentations du monde. Certains photographes animaliers travaillent dans une optique et avec une éthique antispécistes : « en montrant notamment les espèces dites nuisibles, souligne Thomas, ils contribuent à changer le regard sur ces animaux. En revanche, l’exploitation reste sous-représentée, et consiste surtout en des images issues de vidéos d’activistes, qui fournissent de la matière aux médias ».
Au printemps dernier à Paris, We Animals Media organisait la première exposition en France du travail de « ses » photoreporters. Baptisée Hidden : animals in the anthropocene, elle donnait un aperçu de la variété des angles et des regards des auteurs. Se rapprochant ainsi d’un vœu de Thomas, encore à exaucer : présenter des photos antispécistes parmi d’autres, et toucher ainsi au-delà d’un public déjà sensibilisé. « La photographie invite à prendre le temps, à s’attacher aux détails, elle laisse de la place à l’imaginaire… Nous faisons un travail de niche, c’est certain. Est-ce un levier de changement ? On l’espère. »

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