Légumineuses et souveraineté alimentaire : un mariage de raison

Florence Dusseaux

Un article paru dans ViraGe n°12

La France importe la moitié des protéines végétales qu’elle consomme. Il est vrai que les Français renouent avec les légumineuses et protéagineux. Mais pas seulement : l’essentiel de nos importations est destiné au bétail. Dans un contexte d’annonces politiques autour de l’alimentation, de quelle façon envisager la culture des légumineuses, en France, pour reconquérir une part de souveraineté alimentaire ?

Pour réduire sa dépendance aux importations agricoles, le Gouvernement déploie depuis 2014 le plan protéines végétales, régulièrement actualisé. Le premier décembre 2020, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, annonçait cent millions d’euros à l’appui de cette stratégie, et un objectif de 30 % de surfaces cultivées supplémentaires d’ici à 2023, pour nourrir le bétail et les humains. Pour réaliser ces ambitions, les filières ont besoin de se structurer, du producteur au consommateur : approfondir les recherches sur la sélection variétale, faciliter l’équipement en outils de production et de stockage, investir dans la transformation, et assurer l’aide à la promotion des protéines végétales.
Des usages qui se diversifient
Bien que la France produise la moitié du fourrage nécessaire à son cheptel, 80 % des importations de légumineuses sont à destination de l’élevage. Les 20 % restant servent à l’alimentation humaine. Ce sont essentiellement des haricots secs, des lentilles et des pois, la France ne produisant qu’un tiers de sa consommation. Si certaines variétés sont spécifiques à l’alimentation animale, désormais le pois protéagineux, la féverole ou encore le lupin trouvent leur place dans les assiettes. Il faut dire que la consommation de légumineuses ne cesse d’augmenter : les Français partent à la redécouverte de ces graines riches en protéines, dont ils consomment en moyenne 1,42 kg par an, selon l’ANSES… contre 7,62 kg en 1920.
José Pfliger, producteur de lentilles vertes bios en Alsace, témoigne : « La culture de la lentille est très utile d’un point de vue agronomique. Elle permet de varier les cultures. Nous vendons en magasins de producteurs, essentiellement, et nous pouvons constater l’intérêt grandissant des consommateurs pour la lentille, car elle est facile à cuisiner et locale. » Chaque année l’exploitation de José Pfliger augmente sa production, qui a avoisiné six tonnes en 2020, vendues uniquement en circuit court. En 2021, la récolte en France, premier pays producteur de lentilles vertes d’Europe, a été fortement touchée par la pluie, le rendement a été divisé par cinq et ne représente que 20 % de la demande des consommateurs. Il faudra donc importer un peu plus de lentilles vertes du Canada, cette année. José Pfliger continuera d’agrandir sa surface de production pour 2022. Car si le rendement est faible, les lentilles auront joué leur rôle d’enrichissement des sols en azote : élément important pour la croissance des autres cultures qui tourneront sur les parcelles.
Les filières d’amont (chambres d’agriculture, agriculteurs, coopératives…) s’organisent, telles que LEGGO – Légumineuses du Grand Ouest. « Il y a un potentiel important concernant, notamment, les lentilles et les pois chiches, qu’on peut développer pour l’alimentation humaine », indique Christian Blet, de la chambre d’agriculture des Pays de Loire. Des initiatives similaires se développent en Normandie, en Bretagne ou encore en Centre Val-de-Loire.
Créer des filières en France du champ à l’assiette
Toutes ces informations nous permettent de réfléchir à la relation entre légumineuses et souveraineté alimentaire. Nous avons porté nos interrogations auprès de la start-up Hari & Co et de son co-fondateur et responsable des approvisionnements, Benoît Plisson. Pour lui, la réponse est sans équivoque : oui, les légumineuses peuvent faire partie de la solution pour atteindre une certaine souveraineté alimentaire.
Hari & Co se fournit en légumineuses 100 % françaises et bios, pour ses galettes et boulettes, depuis le début. Pour l’entreprise, il devenait logique de se fournir localement, autour de Lyon. Une filière entière était à créer car cette région est plus propice à la culture de soja, maïs et blé. En 2020, l’entreprise a donc décidé de travailler directement avec des agriculteurs du bassin lyonnais, surnommés  « Hari’culteurs », sous contrat, avec un prix d’achat garanti. À l’aide d’une campagne de financement participatif sur la plateforme Miimosa, Hari & Co développe un schéma collaboratif et économique inédit.
Pour Benoît Plisson, les atouts des légumineuses en vue d’une meilleure autonomie alimentaire tiennent non seulement à leur intérêt nutritionnel, mais aussi à leurs qualités agronomiques, qui permettent de limiter la dépendance de la France aux engrais azotés, souvent importés de Russie ou d’Égypte. Mais il avertit : la production de légumineuses doit se faire dans un plan stratégique défini et surtout pas en monoculture, pour ne pas reproduire pas les erreurs de l’industrialisation agricole.
La stratégie du gouvernement avec le plan protéines semble apporter une réponse à cette question de souveraineté alimentaire. Seulement, ce plan inclut toutes les productions de protéines végétales, qu’elles soient destinées à l’alimentation des humains ou à celle des animaux d’élevage. Ne pourrait-on pas raccourcir le processus en retirant la composante alimentation animale, et envisager de produire plus de protéines végétales pour l’alimentation humaine ? Cette réorientation contribuerait non seulement à renforcer l’autonomie alimentaire de la France, mais  répondrait aussi à la nécessaire limitation de l’élevage et de ses coûts environnementaux, tout en assurant l’accès de tous à une alimentation abondante, plus saine et plus végétale.

 

Photo d’illustration : Hari & Co

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