Europe : lobbys et ONG mobilisés sur les politiques agricoles
Les décisions de l’Union européenne structurent les politiques nationales : c’est un échelon de décision investi à la fois par les organisations professionnelles, et par les associations en faveur d’une trajectoire agricole plus vertueuse pour les animaux et le climat. Que peut-on attendre de ce rapport de forces dans les prochaines années ?
40 % du budget européen : c’est ce que pèse la politique agricole commune (PAC) dans le budget de l’Union. Initialement destinée à garantir la production agricole en Europe, la PAC, dans les faits, finance depuis presque cinquante ans les installations les plus intensives et les plus polluantes. Bon nombre des productions animales ne pourraient d’ailleurs subsister sans ces subventions, dont le versement peut avoisiner 100 % du revenu de certains éleveurs.
Au fil des décennies, la PAC a connu plusieurs réformes, censées prendre davantage en considération l’écologie ou le maintien de l’emploi en zone rurale. Les trois quarts de ses financements continuent cependant à être attribués uniquement à l’hectare (financements dits du « premier pilier »), ce qui favorise les plus gros producteurs. Quant aux financements du second pilier, supposés soutenir des pratiques plus vertueuses, ils sont attribués à plus de 50 % à la viande bovine et aux produits laitiers. Les « paiements verts », de leur côté, supposés favoriser des espaces d’intérêt écologique, sont attribués en majorité à des surfaces présentant peu d’intérêt pour la biodiversité.
De 2014 à 2020, 1,5 % seulement des fonds du second pilier ont été consacrés aux aides en faveur du bien-être animal, tandis que l’élevage industriel et les grosses productions fourragères ont été les bénéficiaires majoritaires du premier pilier. Il faut dire que les gros acteurs agro-industriels bénéficient d’un relais puissant dans les institutions européennes. Ainsi le Copa-Cogeca, un groupe de pression composé de syndicats agricoles et d’entreprises multinationales phyto-sanitaires et agroalimentaires, dont est membre la FNSEA, dispose de 37 salariés à Bruxelles.
Vers de nouvelles politiques agricoles en Europe ?
Dans ce sombre tableau, quelques signes semblent indiquer un possible changement de trajectoire. Fin 2021, les Pays Bas se sont engagés à réduire leur cheptel de 30 %. Dans le même temps, en Allemagne, le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement se sont associés pour demander de réduire les paiements directs de la PAC. Une réglementation a été présentée par la Commission européenne pour lutter contre la déforestation importée, liée notamment à la consommation de soja par le bétail. La stratégie « De la ferme à la table », votée en octobre dernier par le Parlement européen dans le cadre du Pacte vert, faisait des propositions constructives. Problème : la nouvelle PAC, votée un mois plus tard, ne tenait aucunement compte de cette nouvelle stratégie. Selon le député européen Insoumis Manuel Bompard, cette nouvelle PAC « se contente de passer un coup de peinture verte sur son ancienne mouture », ne fixant « ni objectifs suffisamment précis, ni contraintes suffisantes ». Quant aux subventions, elles sont toujours principalement attribuées « à l’hectare ou à la quantité d’animaux produits ».
En parallèle de ces tentatives de verdissement, les politiques commerciales de l’UE continuent à faire obstacle au développement de l’économie du végétal. L’amendement 171 de l’Organisation des marchés agricoles, par exemple, finalement rejeté par le Parlement européen, prévoyait de poser des restrictions au marketing des substituts végétaux aux laits animaux, en interdisant d’utiliser certaines dénominations. Grâce à la mobilisation des associations, dont l’AVF, cet amendement n’a finalement pas été adopté, mais d’autres dispositifs restent en vigueur, comme la campagne de promotion des produits agricoles, qui finance massivement des productions néfastes du point de vue écologique et sanitaire.
Les associations relaient la pression citoyenne
Sur ces deux derniers dossiers, l’AVF s’est mobilisée aux côtés de L214, soutenue par l’Union Végétarienne Européenne et par Proveg International. Ces structures, qui ont gagné en compétence au cours des cinq dernières années sur les enjeux européens, ont investi des ressources humaines pour analyser les dossiers et fournir aux associations nationales des outils de mobilisation, dont certains ont déjà porté leurs fruits. Ainsi, l’initiative européenne pour la fin des cages, portée par l’organisation welfariste CIWF et recueillant plus d’un million de signatures, a conduit à l’adoption par l’Union européenne d’un calendrier de sortie de l’élevage en cage, signant une première victoire importante.
En France, le collectif Nourrir poursuit de travail de l’organisation Pour une autre PAC,en offrant des analyses précises des enjeux agricoles européens, et en portant des propositions pour une politique agricole plus écologique et plus juste. Du côté de L214, des salariés sont mobilisés sur les sujets européens.
À l’heure actuelle, le rapport de forces est malheureusement déséquilibré, en faveur des lobbys. La méconnaissance et le désintérêt de l’opinion publique concernant les politiques européennes, souvent jugées opaques et technocratiques, n’aident pas non plus. Mais l’expertise des associations écologistes et de protection animale relaie les préoccupations d’un nombre grandissant de citoyen·nes, laissant présager d’un rapport plus équilibré à l’avenir. Dans les enceintes de l’Union, les associations portent des propositions visant à améliorer le traitement des animaux, notamment lors du transport du bétail, et à agir contre la déforestation massivement liée à l’élevage.
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