Gaz à effet de serre et élevage industriel

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Les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine sont dues à plus de 70 % à la consommation des ménages1. L’alimentation est le poste de consommation le plus impactant pour le climat. En France, c’est près d’un tiers des émissions totales de gaz à effet de serre qui sont liées à notre système alimentaire2. Et parmi les aliments consommés, la viande et les produits animaux sont de loin les plus émetteurs de gaz à effet de serre.

L’élevage est responsable de 14,5 % à 51 % des émissions globales de gaz à effet de serre selon les estimations.

Les études se succèdent depuis quelques années pour souligner l’impact diffus de l’industrie de l’élevage sur l’environnement et en particulier sur le changement climatique. En 2006, l’Organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) fait sensation en affirmant que l’élevage est responsable de 18 % des émissions totales de gaz à effet de serre d’origine humaine3.
Trois ans plus tard, le Worldwatch Institute publie une étude qui réévalue la part de l’élevage dans les émissions de gaz à effet de serre à 51 %4 ! Ce chiffre s’explique par la prise en compte par les auteurs de facteurs négligés ou sous-estimés par la FAO, comme la respiration des animaux, ainsi que par le changement de méthode de calcul du pouvoir de réchauffement global des différents gaz à effet de serre.

En 2013, la FAO publie un nouveau rapport qui conclut à une part de l’élevage dans les émissions globales évaluées à 14,5 %5. En 2019, l’Institute for Climate Economics a réévalué cette part à 18 %6. À titre de comparaison, l’ensemble des transports est responsable d’environ 15 % des émissions globales de gaz à effet de serre.

Ces émissions proviennent de toutes les étapes du processus :

  • production d’aliments pour les animaux ;
  • transport de ces aliments ;
  • gaz digestifs des bovins (fermentation entérique) ;
  • déjections des animaux ;
  • utilisation d’énergie sur les lieux d’élevage ;
  • transformation des produits alimentaires ;
  • gestion des déchets (carcasse…), etc.

L’élevage est la principale source de méthane et de protoxyde d’azote, des gaz à effet de serre bien plus puissants que le dioxyde de carbone.

L’élevage est globalement responsable de 65 % du protoxyde d’azote (N2O) et de 37 % du méthane (CH4) issus des activités humaines. Les émissions de protoxyde d’azote sont liées à la production et à l’épandage des engrais nécessaires à la culture du fourrage, et surtout aux rejets du fumier. Le méthane est principalement issu des bovins et autres ruminants, qui produisent ce gaz à travers leurs flatulences.

Ces deux gaz ont la particularité d’être très puissants en termes de « pouvoir de réchauffement global ». Généralement calculés sur une durée de cent ans, le pouvoir de réchauffement global du N2O et celui du CH4 sont respectivement 265 fois et 28 fois plus importants que celui du CO2 (1 kg de méthane rejeté dans l’atmosphère a le même effet, sur cent ans, que 28 kg de CO2).

Les variations des émissions dues à l’élevage impactent donc de manière démultipliée le climat par rapport aux variations d’autres sources de pollution, comme les transports, dont l’impact se mesure essentiellement en termes d’émissions de CO2.

L’agriculture « paysanne » n’est malheureusement pas une panacée.

L’agriculture extensive est généralement présentée comme une solution aux problèmes environnementaux générés par notre système alimentaire. Bien sûr, l’agriculture extensive, voire biologique, a d’énormes avantages environnementaux mais, pour ce qui est du changement climatique, les élevages extensifs sont responsables de plus des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage (Steinfeld H. et al., 2006). Cela s’explique par les surfaces mobilisées par ces élevages (qui résultent souvent de la déforestation) et, pour les ruminants, par le fait que ces animaux émettent plus de méthane que ceux élevés en élevage intensif en raison de leur régime alimentaire fondé sur l’herbe.

Certes, les prairies permettent le stockage du carbone. Cependant, celui-ci est largement annulé par les émissions de méthane des animaux qui y paissent. En outre, il vaudrait mieux y laisser pousser des arbres puisque les prairies sont quatre fois moins efficaces que les forêts pour séquestrer le carbone7 !

La plupart des produits animaux, et surtout la viande de bœuf, sont les aliments les plus néfastes pour le climat.

La viande de bœuf est la denrée produisant, de loin, le plus d’émissions de gaz à effet de serre. Viennent ensuite la viande et le lait des petits ruminants et le lait de vache, la volaille et la viande porcine. Malheureusement, la viande et les produits laitiers font partie des produits qui progressent le plus rapidement dans le régime humain au niveau mondial. Les produits végétaux, y compris ceux à qualité nutritionnelle comparable aux produits animaux, ont une empreinte nettement plus légère sur le climat.

La production de poisson porte sa propre part de responsabilité car les activités de pêche, en réduisant la biodiversité marine, compromettent la capacité des océans à réduire l’effet de serre. En effet, les écosystèmes marins sont de véritables « puits de carbone », c’est-à-dire des entités capables de séquestrer une partie du gaz carbonique atmosphérique.

Manger végé : la solution alimentaire la plus efficace contre le changement climatique !

Changer notre modèle alimentaire s’impose comme une démarche incontournable si on veut limiter les impacts du dérèglement climatique à venir. Les études montrent de manière très claire que s’alimenter de manière peu carnée, voire 100 % végétale, se révèle d’ailleurs nettement plus efficace que de recourir à des régimes alimentaires d’origine locale, de saison ou biologiques, souvent promus pour résoudre la question environnementale.

De plus en plus de scientifiques appellent à une réduction globale de la consommation de viande et de produits laitiers.

Selon le Food Climate Research Network :

« Manger moins de viande et de produits laitiers, et consommer à la place davantage d’aliments d’origine végétale, est le changement comportemental le plus utile que l’on puisse faire en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre à un niveau mondial. »8.
Selon l’institut britannique des relations internationales Chatham House :

« Contenir le réchauffement climatique en deçà de 2°C ne pourra se faire sans une réduction globale de la consommation de viande et de produits laitiers. »9.
Selon le Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) :

« Toutes les études [prises en compte dans ce rapport] concluent que les régimes comprenant une moindre part de produits animaux (viande, œufs, laitages) sont moins émetteurs de gaz à effet de serre et moins consommateurs de terres, et représentent une amélioration en termes de nutrition, par rapport aux régimes actuels. Moins les régimes contiennent de la viande, moins ils ont d’impacts environnementaux. Les régimes les moins émetteurs de gaz à effet de serre sont les régimes véganes, suivis des régimes sans viande et ceux sans viande rouge. » (rapport issu de la rencontre d’experts du GIEC en mai 2015 sur le changement climatique, l’alimentation et l’agriculture)10.

Favoriser le végétal constituerait une action non seulement très efficace mais aussi très abordable contre le changement climatique.

À l’inverse des solutions techniques ou technologiques (par exemple en matière d’énergies renouvelables), ce type d’approche par le comportement a le mérite de ne pas induire de coûts de mise en œuvre ou de recherche et développement.

Il a été estimé qu’une réduction de la consommation de viande au niveau des recommandations en faveur de régimes plus sains permettrait de réduire de 50 % le coût global de la lutte contre le changement climatique, tandis qu’une alimentation végétalienne généralisée permettrait d’économiser 80 % des coûts d’atténuation d’ici 2050 (dans le cas d’un objectif de limitation du réchauffement global à 2°C) (Stehfest E. et al., 2009).

Pour en savoir plus :

Notre rapport Élevage et climat, publié en 2015

Notes

  1. PNUE, Programme des Nations unies pour l’environnement, 2010. Assessing the Environmental Impacts of Consumption and Production.
  2. Jancovici J.M., 2010. Combien de gaz à effet de serre dans notre assiette ?, www.manicore.com/documentation/serre/assiette.html
  3. Steinfeld H. Gerber P. Wassenaar T. Castel V. et al., 2009. L’ombre portée de l’élevage. Organisation mondiale pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
  4. Goodland et al., 2009. Livestock and Climate Change: What if the key actors in climate change are…cows, pigs, and chickens? In : World Watch Magazine, November/December, Volume 22, No. 6.
  5. Gerber P.J., Steinfeld, H., Henderson, B., Mottet, A., Opio, C., Dijkman, J., Falcucci, A., Tempio, G., 2013. Tackling climate change through livestock – A global assessment of emissions and mitigation opportunities. Food and Agriculture Organization of the United Nations (FAO).
  6. I4CE – Institute for climate economics, 2019. Politiques alimentaire et climat : une revue de la littérature. https://www.i4ce.org/wp-core/wp-content/uploads/2019/02/0225-I4CE2984-PolitiquesAlimentairesEtClimat-Etude24p-web-1.pdf
  7. INRA, Institut national de la recherche agronomique, 2008. Un exemple de recherche : Prairies, effet de serre et changement climatique. www1.clermont.inra.fr/urep/fgep/changementclimat.htm
  8. Garnett T., 2008. Cooking up a storm: Food, greenhouse gas emissions and our changing climate, Report for the Food Climate Research Network. Centre for Environmental Strategy, University of Surrey.
  9. Bailey R., Froggatt A., Wellesley L., 2014. Livestock – Climate Change’s Forgotten Sector Global Public Opinion on Meat and Dairy Consumption. Chatham House. The Royal Institute of International Affairs.
  10. GIEC, Groupement intergouvernemental sur l’évolution du climat, 2015. Meeting Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change Expert Meeting on Climate Change, Food, and Agriculture. Mastrandrea, M.D., K.J. Mach, V.R. Barros, T.E. Bilir, D.J. Dokken, O. Edenhofer, C.B. Field, T. Hiraishi, S. Kadner, T. Krug, J.C. Minx, R. PichsMadruga, G.-K. Plattner, D. Qin, Y. Sokona, T.F. Stocker, M. Tignor (eds.).World Meteorological Organization.
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