Réponse à l’alerte du Dr Saldmann au micro d’RTL
Le 17 novembre, dans l’émission « RTL en pleine forme », le Dr Frédéric Saldmann explique « comment être vegan doit être une discipline et exige une vraie connaissance de la nutrition au risque de mettre sa santé en danger. »
Compléments alimentaires ?
Il serait intéressant de savoir sur quelle étude s’appuie le Dr Saldmann pour indiquer que les plus grands consommateurs de compléments alimentaires sont les véganes. Une étude de 2016 indique que 15, 8% des adultes consomment des compléments alimentaires en France [1]. C’est largement au-dessus du nombre de véganes en France. Par ailleurs, l’être humain enrichit son alimentation depuis qu’il est capable de le faire. Cela ne semble gêner personne, sauf si cela concerne les véganes.
À propos des carences des véganes
Le Dr Saldmann met en avant les problèmes de carence, qui selon lui, seraient légion dans un régime végétalien. Il semble oublier que les adultes en France ayant une alimentation carnée traditionnelle présentent un sur-risque de carences en vitamines B6, B9, C et E [2]. Les fibres sont par ailleurs un souci supplémentaire. Chaque alimentation a ses points de vigilance.
La seule supplémentation indispensable pour les véganes est la vitamine B12. Pour information, la carence en B12 touche aussi 15 à 40% des personnes âgées de plus de 65 ans, que la cause soit la sénescence ou la iatrogénie [3]. Pour toutes les populations concernées, rappelons que la complémentation est simple et peu onéreuse [4]. Il y a très peu de produits alimentaires enrichis disponibles en France.
Pour ce qui est de la vitamine D, l’alimentation ne suffit pas à fournir les apports nécessaires [5]. D’ailleurs 80 % de la population française présenterait un déficit en vitamine D [6]. On ne peut raisonnablement pas associer ce déficit au véganisme. Les conseils [7] d’exposition solaire de mars à octobre (15 minutes, visage et bras, entre 10h et 16h), voire de supplémentation, s’appliquent à toute la population française.
L’ANSES se préoccupe davantage des carences en fibres dans la population française que des apports en protéines [8]. Il est surprenant de voir encore citée une éventuelle carence en protéines. Ce mythe a été de nombreuses fois mis en échec [9] notamment par l’OMS [10]. Il est d’ailleurs montré qu’en présence d’apport calorique suffisant, il n’y a pas de risque de carence en protéines dans un régime végétalien [11].
En ce qui concerne le fer, il est clairement établi qu’il n’y a pas davantage d’anémie ferriprive chez les populations végétariennes [12]. Pour que la viande rouge ait un effet sur les réserves de fer, il faudrait en consommer une quantité qui va au-delà des apports maximum recommandés par les agences de santé (OMS…) [13]. L’ANSES recommande désormais de limiter la consommation de viande rouge à 70g par jour [14] – mais on peut aussi s’en passer totalement.
Enfin, les apports en calcium doivent être surveillés dans toute alimentation. Il est cependant intéressant de noter qu’une diminution de consommation en protéines animales et en sel se traduit par une diminution des besoins en calcium, d’après les données de l’OMS [15]. Une étude a montré l’absence de différence, en ce qui concerne le risque de fracture, entre les végétaliens et les non végétaliens, si un apport de calcium d’au moins 525 mg/jour est garanti [16]. Pour mémoire, les recommandations sont autour de 1000 mg/jour pour la population non végétalienne. L’étude Nutrinet-santé sur les apports des français indique un apport en calcium autour de 700 mg pour la population végane [2]. Les besoins semblent bien satisfaits. Les besoins en sélénium le sont également.
Végane et en bonne santé !
L’étude sus-citée à partir de la cohorte Nutrinet-santé se conclut ainsi |2] : « Bien que certains régimes peuvent être difficiles à accepter culturellement, au moins dans certains sous-groupes, une alimentation végétarienne ou végétalienne bien planifiée devrait être considérée comme étant acceptable nutritionnellement avec un potentiel de bénéfice sur la santé et un impact favorable sur l’environnement. » À ce titre, cette étude rejoint les recommandations de nombreuses instances internationales [17][18]. Instances internationales qui n’hésitent pas, études à l’appui, à indiquer que le végétalisme est possible à tous les âges de la vie y compris la grossesse et l’enfance.
Dire qu’on connaît des véganes qui s’alimentent mal ne constitue en rien un argumentaire scientifique. La présence de viande dans l’alimentation n’est pas un garant d’équilibre alimentaire, pas plus que son absence, c’est évident. Nous pouvons en revanche conseiller des produits frais, peu transformés et variés. Diverses études sont plutôt en faveur d’une meilleure santé chez les véganes, que ce soit au niveau des maladies cardio-vasculaires, du diabète de type 2 ou du cancer colorectal [19].
Ce type de propos est d’autant plus dommageable que cette stigmatisation peut nuire à la relation entre les véganes et leur médecin généraliste, pouvant aboutir à une rupture de la relation thérapeutique [20]. Et si la carence principale des véganes était de trouver des professionnels de santé qui les écoutent ? Des professionnels de santé qui ne s’empressent pas de relier chacun de leur symptôme à leur véganisme ? Des professionnels de santé qui respectent leur choix éthique et les conseillent selon les données issues de la science, tout simplement.
Par Dr Sébastien Demange, spécialiste en médecine générale.
L’auteur est membre bénévole de la commission nutrition-santé de l’Association végétarienne de France. Il ne déclare aucun conflit d’intérêt pécuniaire ou d’avantages en nature en rapport avec ce texte.